Le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi , a prêté serment samedi pour un deuxième mandat de cinq ans à l’issue d’élections balayées que l’opposition a qualifiées d’imposture en appelant à manifester.
Alors que les tensions couvaient dans les provinces instables de l’est du vaste pays, le président de 60 ans connu sous le nom de « Fatshi » a choisi le Stade sportif des Martyrs de Kinshasa, d’une capacité de 80 000 places, pour la cérémonie.
Les tribunes étaient remplies bien avant midi, avec des chants et des danses à plein régime, en présence d’une vingtaine de chefs d’État africains invités.
« Je jure solennellement… de défendre la constitution et les lois de la République… de maintenir son indépendance et l’intégrité de son territoire », a déclaré le président réélu devant les juges de la Cour constitutionnelle, avant de recevoir les salutations des chefs traditionnels des 26 provinces du pays.
« Je suis conscient de vos attentes », a alors déclaré Tshisekedi dans son discours inaugural, évoquant entre autres le chômage, la jeunesse, les femmes et la cohésion nationale.
La première prestation de serment de Tshisekedi, en janvier 2019 après sa défaite controversée contre Joseph Kabila, a eu lieu dans les jardins du Palais des Nations, un lieu solennel qui accueille traditionnellement d’importants événements officiels.
Tshisekedi est le fils du défunt opposant historique Etienne Tshisekedi.
Il est devenu président en promettant d’améliorer les conditions de vie en RDC — qui possède des richesses minières mais compte une population largement défavorisée de 100 millions d’habitants — et de mettre fin à 25 ans d’effusion de sang dans l’Est.
Il n’a pas tenu ses promesses, mais cette fois-ci, il a fait campagne avec force sur ses acquis du premier mandat, comme la gratuité des médicaments primaires, demandant un autre mandat pour « consolider » les progrès.
‘Gigantesque désordre organisé’
Plus de 40 millions de personnes étaient inscrites pour voter le 20 décembre pour élire un président, ainsi que des législateurs nationaux et régionaux et des conseillers municipaux.
Le scrutin a été officiellement prolongé d’une journée pour tenir compte de multiples problèmes logistiques et s’est poursuivi pendant plusieurs jours dans les zones reculées.
Au final, Tshisekedi a officiellement triomphé avec 73,47 pour cent des voix.
Moise Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga, arrive loin derrière avec 18,08 pour cent.
Martin Fayulu, qui affirme avoir également été volé lors du dernier scrutin présidentiel, a obtenu 5 pour cent.
Denis Mukwege, qui a remporté le prix Nobel de la paix pour son travail auprès des victimes de viol, n’a obtenu que 0,22 pour cent.
Ces candidats ont demandé l’annulation des résultats des élections. Une manifestation prévue le 27 décembre a été interdite et réprimée par la police.
L’archevêque de Kinshasa a dénoncé les élections comme un « gigantesque gâchis organisé ».
Les accusations de fraude et de « hold-up électoral » n’ont pas diminué, et la peur de la violence reste réelle dans un pays au passé politique sombre.
Défis de sécurité
Katumbi et Fayulu avaient appelé samedi leurs partisans à « montrer leur mécontentement ».
Ils ont exhorté les gens à « se lever et à dire « non » », où qu’ils se trouvent.
Des journalistes de l’AFP ont constaté que des pneus avaient été brûlés samedi matin dans les rues de Goma, capitale de la province orientale du Nord-Kivu, déchirée par le conflit.
Dans la ville provinciale de Beni, également dans l’est, des jeunes ont tenté de dresser des barricades, mais la police est intervenue.
La commission électorale du pays, la Ceni, a reconnu des cas de fraude, de vandalisme et d’intimidation, ainsi que l’utilisation de machines à voter illégales.
Lors des élections générales, le vote a été annulé pour 82 candidats, dont trois ministres du gouvernement et quatre gouverneurs de province.
Le défi sécuritaire reste monumental pour Tshisekedi.
Il y a eu une accalmie dans les combats dans l’est pendant les élections, mais les violences ont depuis repris entre l’armée et les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda voisin.
Depuis la mi-décembre, des troupes de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), composée de dix pays, arrivent discrètement en RDC.
Ils succèdent à une force de maintien de la paix d’Afrique de l’Est dont le mandat a été mis fin par le gouvernement de la RDC, qui affirmait avoir été de connivence avec les rebelles au lieu de les combattre.
Un officier supérieur de l’armée a déclaré mardi que Kinshasa comptait sur eux pour reconquérir du terrain aux milices du M23, qui ont conquis des pans de territoire dans l’est depuis qu’elles ont repris les armes en 2021.