À la demande des autorités soudanaises, le Conseil de sécurité de l’ONU a mis fin vendredi à la mission politique de l’organisation mondiale dans ce pays africain ravagé par plus de sept mois de combats entre deux généraux rivaux.
Suite à une lettre de Khartoum exigeant la fin immédiate de la Mission intégrée d’assistance à la transition des Nations Unies au Soudan (Unitams), le Conseil de sécurité a adopté une résolution mettant fin à son mandat à compter de dimanche.
À partir de lundi, une période de transition de trois mois devrait commencer pour permettre le départ du personnel de l’Unitams et le transfert de ses tâches vers d’autres agences des Nations Unies « lorsque cela est approprié et dans la mesure du possible ».
La mission de l’ONU au Soudan emploie 245 personnes, dont 88 à Port-Soudan, ainsi que d’autres à Nairobi et Addis-Abeba, a confirmé le mois dernier le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric.
Quatorze des quinze membres du Conseil ont adopté la résolution, tandis que la Russie s’est abstenue.
« Soyons clairs. Le Royaume-Uni n’aurait pas choisi de fermer l’Unitams à ce moment-là », a déclaré l’envoyé adjoint britannique à l’ONU, James Kariuki, dont le pays a rédigé le texte.
« Nous sommes gravement préoccupés par le fait qu’une présence internationale réduite au Soudan ne servirait qu’à enhardir les auteurs d’atrocités aux conséquences désastreuses pour les civils », a ajouté l’envoyé américain Robert Wood.
Dans le texte, le conseil exprime « son inquiétude face à la violence continue et à la situation humanitaire, en particulier aux violations du droit international humanitaire et aux graves violations et abus des droits de l’homme » au Soudan.
La décision du Conseil de sécurité « est le point culminant de son abdication catastrophique de ses responsabilités envers les civils du Soudan à un moment où le risque d’atrocités et de violations des droits de l’homme à grande échelle est plus grand que jamais », a déclaré Louis Charbonneau, directeur de l’ONU à Human Rights Watch.
L’Unitams a été mis en place en 2020 pour aider à soutenir une transition démocratique au Soudan après la chute, l’année précédente, de l’autocrate islamiste vétéran Omar al-Bashir, qui a fait face à la pression de l’armée et des manifestations de masse.
Assumé les pleins pouvoirs
Mais en octobre 2021, le chemin difficile vers un gouvernement civil a été interrompu lorsque le chef de l’armée, Abdel Fattah al-Burhan, a assumé les pleins pouvoirs lors d’un coup d’État.
Le 15 avril, avant qu’un accord sur la reprise de la transition démocratique puisse être signé, des combats ont éclaté entre l’armée soudanaise dirigée par Burhan et les paramilitaires Forces de soutien rapide (RSF), dirigés par le général Mohamed Hamdan Daglo.
Quelques semaines plus tard, Burhan a exigé le limogeage du chef de l’Unitams, Volker Perthes, rejetant la responsabilité des violences sur ses épaules.
Le diplomate allemand, qui n’avait pas le droit de retourner au Soudan, a finalement démissionné en septembre et n’a pas été remplacé.
Le mois dernier, estimant que la mission avait été « décevante », le gouvernement de Khartoum a exigé qu’il y soit mis fin immédiatement, ne laissant pratiquement d’autre choix au Conseil de sécurité que de se retirer, l’ONU devant agir avec le consentement du pays hôte.
‘Appeler un chat un chat’
Il y a quelques jours à peine, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a rejeté toutes les accusations portées contre l’organisation mondiale, pointant du doigt Burhan et Daglo, « deux généraux qui méprisent complètement les intérêts de leur population ».
« Je pense qu’il est temps d’appeler un chat un chat. C’est la faute de ceux qui ont sacrifié les intérêts de leur peuple pour une pure lutte pour le pouvoir », a déclaré Guterres.
Il a nommé le diplomate algérien Ramtane Lamamra comme son envoyé personnel pour le Soudan.
Le départ forcé des Unitams est un nouveau revers pour l’ONU, confrontée à une certaine hostilité, notamment en Afrique, quant à l’efficacité de ses missions politiques et sécuritaires.
Sous la pression de la junte au pouvoir au Mali, le Conseil de sécurité a mis fin en juin à sa mission de maintien de la paix dans ce pays (Minusma), et ses casques bleus devraient être totalement retirés d’ici la fin de l’année.
La guerre civile a fait plus de 10 000 morts depuis avril, selon une estimation de l’organisation non gouvernementale Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled), un chiffre largement considéré comme sous-estimé.
Six millions de personnes ont été déplacées et de nombreuses infrastructures détruites, selon l’ONU.